Tahmineh Monzavi

Je poursuivais un projet intitulé "Grape Garden Alley", un travail sur le foyer Molavi, dans le sud de Téhéran, lorsqu’une transsexuelle nommée Tina retint mon attention. À cause de son physique et de ses orientations tabous et inacceptables, elle avait été rejetée très jeune par sa famille et par la société. Dès lors, Tina est contrainte de se défendre seule pour survivre et subit de terribles épreuves. Droguée, elle fait un an de prison et renonce définitivement à son addiction – mais ne peut rien changer à son identité. Et cette réalité meurtrit son existence, l’écartant à jamais de la société à laquelle elle appartient pourtant. Douée d’une volonté et d’une détermination remarquable, elle ne retombera pourtant jamais dans la drogue ni son trafic.  À l’occasion d’un entretien mené avec moi, elle se confie : « je suis prête à pardonner à ma famille – et en particulier à mon père –, de m’avoir abandonnée, mais je ne sais plus où ils se trouvent, et je n’ai aucun moyen de les retrouver. » Malgré toutes les souffrances infligées par sa famille et beaucoup d’autres, avec son histoire triste et si touchante, elle fait figure d’exemple dans le foyer par son comportement irréprochable. "Le destin fait que certaines personnes sont des hommes, d’autres des femmes, et d’autres encore comme moi. Pourquoi faire une différence ?", déclare Tina alors qu’on l’insulte, dans la rue. Elle se sent plus en sécurité et comprise parmi les femmes du foyer – et c’est bien cela le but de la structure : faire en sorte que toute femme accueillie se sente acceptée au sein d’un petit groupe social. Après tant d’années de combat, Tina a l’impression d’y être comme chez elle. Désormais, elle se loue sa propre chambre, qu’elle habite avec son chien, et s’efforce avec constance de s’offrir une meilleure vie. Elle a quarante-quatre ans.   Tahmineh Monzavi
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